Mais de quoi parle cette Maxime ?
Pourquoi reprochons-nous à l’autre de ne pas être conforme à nos attentes, d’être comme ceci ou comme cela, d’agir d’une certaine façon ? Pourquoi est-ce mieux de se conformer à notre façon de voir et de vivre le monde ? Pourquoi lui reprochons-nous d’être ce qu’il est parfois ? Est-ce parce que nous sommes persuadés que notre façon de voir est la meilleure ? Que nous avons raison ? Que notre point de vue est censé, réaliste, logique ? Et est-ce vraiment pour son bien, pour l’aider ?
Ne serait-ce pas plutôt pour notre propre bénéfice ? Sa façon d’agir ou de nous dire les choses ne viendrait elle pas faire résonner quelque chose en souffrance dans notre monde intérieur, et que l’on traîne avec soi ? Ce qui nous dérange, ne nous confronterait-il pas à une part de nous non reconnue, une vision de nous-même négative, une émotion alimentée par une croyance erronée mais perçue comme vraie ?
Ici, nous ne parlons pas de menus détails qui peuvent nous agacer, de temps en temps, chez l’autre. Nous parlons de ce qu’il nous renvoie, de ce fameux miroir projectif qui nous invite à nous reconnaître à travers les faits et gestes de l’autre, à travers nos réactions émotionnelles face à ce miroir qui nous invite à l’introspection…

Si nous creusions un peu plus…
Derrière cette envie de vouloir que l’autre change certaines habitudes, manies, comportements, et j’en passe, que nous avons tous, à certains moments de notre vie et dans certaines situations, il s’avère que la raison est plus profonde. Cette raison, elle parle de nous, de ce qui nous anime, de nos croyances qui dirigent nos réactions, nos peurs, notre vision de soi, des autres, du monde, etc.
Derrière cet état d’être se cache souvent un besoin de contrôle et de maîtrise… Parce que dans un monde qui peut nous paraître instable, angoissant et agressif, contrôler et maîtriser ce qui nous entoure est rassurant…
Contrôler éloigne, en apparence, nos peurs (comme celle d’être rejeté ou abandonné par exemple) ; maîtriser notre environnement nous donne l’illusion d’une certaine sécurité intérieure (je suis aimée en faisant comme ceci ou en étant comme cela…).
Autrement dit, contrôler et maîtriser, c’est se cacher derrière des apparences, pour taire notre peur et ce manque d’estime de soi, que l’on essaie de colmater à travers un perfectionnisme sans faille. C’est une façon de gérer une situation qui est insécurisante pour nous.
Et si nous regardions ce qui résonne, là à l’intérieur de soi…
En regardant bien, vouloir changer l’autre, c’est une façon pour nous de masquer une insécurité intérieure, De nous rassurer. De ne pas être trop dérangé dans nos certitudes, parce que cela pourrait les remettre en questions et apporter une certaine souffrance, un déséquilibre dans ce déséquilibre intérieur déjà existant.
Ce qui résonne, c’est une part blessée en soi qui ne demande qu’à être accueillie, vue, écoutée. Cette part blessée résulte de notre histoire de vie, elle s’est construite, la plupart du temps, dans notre enfance, sur plusieurs situations et interactions qui se ressemblent. Mais, cette part blessée s’est surtout construite sur l’interprétation qui résulte de ces histoires.
Ces situations ne sont pas forcément des traumatismes terribles, souvent, ce sont des petites choses de la vie qui sont vécues à différents âges de notre vie, et avec notre compréhension du moment.
En gros, à l’intérieur de soi vibre une vérité, qui n’est pas remise en question ; alors, elle va se renforcer parce que la vie se charge de nous mettre dans des situations qui vont alimenter cette « vérité » que nous avons sur nous.
On pourrait croire que toutes les situations où nous expérimentons nos croyances confirment cette « vérité », alors qu’en fait, les expériences sont là pour nous montrer ce qui a besoin d’être mis à jour, parce qu’erroné, parce que pas si vrai que ça… Ces expériences sont là pour accueillir nos blessures, se reconnaître dans un fonctionnement où nous nous tirons une balle dans le pied. Parce que finalement, c’est à nous que nous manquons de respect, de reconnaissance… L’autre n’est que le miroir de ces manques.
On pourrait dire que ce que l’autre nous renvoie n’est qu’une réponse à ce que nous émettons (je crois que je ne suis pas aimable, alors je suis attirée vers quelqu’un qui aura peu d’attention vers moi, (cela confirme la croyance)… Encore une fois, tout ceci fait partie de notre fonctionnement qui, quand la conscience n’est pas posée dessus, nous mène par le bout de nez (alors je reproche à l’autre de ne jamais m’écouter, de toujours être avec ses potes ou bien avec un autre comportement, je me fais valoir, toujours prête à attirer l’attention sur moi…).
On peut dire que l’autre est un miroir sur lequel nous projetons notre monde intérieur, déséquilibré et instable sur certains points.

Théo, arrive dans la cuisine et attire son attention pour lui montrer le coloriage qu’il a dessiné à l’école, très fier. Malheureusement, à ce moment-là, Isabelle n’est pas disponible, elle a la tête prise entre une chose et une autre, et ne se rend pas compte que Théo attend de sa maman plus d’attention. Elle le regarde à peine, dit simplement un « c’est bien, pose le sur la table et regarde un dessin animé à la télé ».
Dans cette scène, de manière inconsciente, Théo a perçu pleins d’informations, allant de la gestuelle d’Isabelle, à ses mots ne reflétant pas ce qu’elle disait.
Théo, à son âge, ne comprend pas que maman est bien occupée et que sa réaction n’a rien avoir avec lui, son amour ou son dessin (parce qu’il a un peu débordé et on lui a appris qu’il ne fallait pas déborder…), et de manière inconsciente, encore une fois, il peut interpréter cette interaction comme quelque chose de négatif à son propos, en étant pris comme une preuve de désamour, il ne peut pas être aimé comme il est, croire qu’il est gênant, de trop, etc.
Il suffit que plusieurs petites scènes comme celles-ci ou qui se ressemblent, à la maison, à l’école ou ailleurs se reproduisent pour qu’une conclusion soit tirée. A force de « répétitions, une part de nous (une part inconsciente) tire des conclusions, et fait d’une interprétation, une vérité. »
‘’ Toutes les parts blessées en nous sont basées sur une interprétation erronée de nous-même ‘’
Justine ne supporte plus l’attitude de Julien. Elle pense qu’il en fait trop, que c’est un fayot… Qu’il fait tout pour se faire remarquer et que ses paroles ne sont que du vent… Il l’agace énormément…
Ce dont Justine ne se rend pas compte, c’est qu’elle a un grand besoin de reconnaissance de la part de sa hiérarchie… Qu’en agissant ainsi, Julien lui fait de l’ombre en attirant l’attention sur lui.
Justine peut discuter avec lui et lui dire qu’il ne se fait pas bien voir de cette façon, qu’il devrait changer d’attitude, que ça jase sur lui, etc. Mais finalement, ces conseils ne sont pas pour le bien de Julien… C’est sa façon à elle de contrôler la situation en colmatant sa blessure de reconnaissance qui cache souvent une blessure de rejet ou d’abandon, d’ailleurs.
Quand on regarde bien, ces 2 collègues ont tous deux ce besoin de reconnaissance, mais ils n’agissent pas de la même façon pour l’obtenir.
Chacun d’eux a besoin du regard de leur hiérarchie pour réparer leur blessure, comme si c’était la responsabilité de leur chef… Justine et Julien se définissent à travers un regard extérieur pour reconnaître leur valeur, comme une sentence attendue qui va dire s’ils sont une bonne personne ou non… Ils donnent la responsabilité de leur bien-être ou de leur mal-être à quelqu’un d’extérieur à eux.
En donnant cette responsabilité, qui est la leur, à cette instance extérieure, ils ne reconnaissent pas la blessure qui s’exprime à travers leur comportement, et c’est l’enfant intérieur blessé en eux qui agit, et non l’adulte. Cet adulte qui doit reprendre sa responsabilité émotionnelle, en commençant par reconnaître sa propre valeur, ses propres besoins et en remettant en questions ses croyances limitantes.
Commencer par changer soi-même
Arrêter de vouloir changer l’autre, arrêter de lui reprocher de ne pas être assez présent, de ne pas nous écouter, d’être égoïste, de parler trop fort, et j’en passe… Pas sûre de pouvoir passer à travers toutes les gouttes en fait… Mais est-ce que c’est le but en même temps ?
Dans tous les cas, nos réactions émotionnelles sont une opportunité pour porter une attention à soi. Retrouver ses vérités erronées en nous, les mettre en lumière tout en douceur et bienveillance, et se libérer de ces tensions intérieures, tellement épuisantes.
Commencer par changer soi-même, c’est s’accorder un doux regard et arrêter de se définir à travers un mot de travers, des erreurs ou le regard de l’autre, qui a lui aussi ses propres filtres.
Et c’est avant tout reprendre notre responsabilité émotionnelle, parce qu’en la reprenant, nous faisons le choix d’écrire et de réécrire, à volonté, le rôle de notre vie. En reprenant notre responsabilité émotionnelle face à nos comportements, nos réactions, nos pensées, nos sentiments et nos croyances, alors nous nous prenons en mains pour cheminer vers notre bien-être, retrouver notre authenticité sans s’excuser ni culpabiliser, et nous recentrer pour mieux nous retrouver.
… Et les gouttes se feront de plus en plus espacées …
Pour conclure…
Adulte, nous avons le choix de continuer à faire vivre ces croyances erronées sur nous et de nous perdre dedans en rejetant la faute sur l’autre, nos parents, nos collègues, sur la vie, etc. ou bien, de les remettre en questions, en n’en faisant plus des vérités, mais en accueillant avec bienveillance ce que l’autre a fait résonner en nous, en remettant de la lumière là où l’ombre s’était installée, en remettant une vérité là où l’illusion avait pris place. Cela peut ne pas être très confortable certes ; il est plus facile de rejeter la faute sur l’autre et de lui dire de changer, mais c’est tellement plus salvateur de se sentir en phase avec soi-même et de se sentir aligné.
Reprendre sa responsabilité émotionnelle est le chemin qui vous permettra d’être l’auteur et l’acteur de votre vie. Ce n’est plus donner votre pouvoir à l’autre dans la définition de vous-même, mais de le reprendre, de le vibrer et de le vivre.
La découverte de soi est un processus qui se construit au fur et à mesure que vous apprenez à vous connaître ; et pour grandir, avancer, il est demandé de sortir de sa zone de confort, et ce n’est pas toujours chose aisée. Mais l’objectif n’est pas de changer du tout au tout ou de devenir une autre personne. Avancer un pas après un pas… Pensez toujours que pour atteindre un objectif, il y a des étapes, et que chacune d’entre elles stabilisent le chemin que vous avez choisi d’emprunter.
Changer, c’est aussi prendre le risque de prendre des chemins différents quand on est en couple, quitter son travail, se séparer d’amis, etc. mais c’est aussi se retrouver, se recentrer sur ce qui est important pour nous. C’est aussi s’ouvrir à de nouvelles opportunités, à de nouvelles rencontres, d’avoir des relations plus harmonieuses, un travail qui nous enrichit, et plus encore.